Denise Lioté

Abstraire m'a apporté un sentiment de libération et de jubilation. Pour moi l’abstraction a été plutôt une non-figuration à partir d’éléments naturels au début, qui dominent toujours plus intériorisés ensuite ; mais sans perdre la référence à des sensations visuelles. Denise Lioté



Repères biographiques :

Née à Paris en 1925, Denise Lioté entre à 19 ans à l'Ecole des Beaux-Arts, puis à l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs. Elle admire et étudie Cézanne. Interprète pour un journaliste américain, elle rencontre Bonnard, Léger, et visite les ateliers de Braque et de Pignon, découvrant un nouvel éventail de possibilités picturales. En 1955, elle découvre Vieira da Silva et Nicolas de Staël, et oriente alors ses recherches personnelles vers une expression figurative allusive sur le thème des villes et des chantiers de construction. Puis elle commence l'exploration des quatre éléments en commençant par l'eau, puis le feu qui allait l'entraîner à s'exprimer dans de grandes compositions. En 1961, elle éprouve la nécessité de reprendre contact avec des structures solides. Les racines et les souches d'arbres s'imposent à elle par leurs formes dramatiques. Elle expose à Paris, Bruxelles, Nancy, au Havre... En 1968, sa rencontre avec Léon Zack lui fait ressentir la nécessité de se libérer vers une grande ouverture picturale et spirituelle; peu à peu son univers s'éclaire…En 1970, c'est la découverte des grands espaces américains, avec des séjours à Montréal, puis New-York! Le peintre Julian Levi l'encourage dans sa nouvelle approche et l'invite à participer au Salon de l'American Academy of Arts. Exposition de groupe au Museum Cultural Center de New-York. Elle en revient avec des structures qui rappellent, mais de loin, celles des racines torturées, conférant plutôt à ses oeuvres une vie poétique mystérieuse, où quiétude, respiration, matière fluide, espaces fragmentés et vibrants s'installent peu à peu.
La pensée et l'intuition poétique de l’œuvre de Bachelard s'ancrent également dans l'univers de Denise Lioté, restant jusqu'à ce jour une véritable source d'inspiration et de réflexion... les formes deviennent de moins en moins figuratives, évoquant parfois de vastes élans vers la lumière, des "envols". Période de méditation, approfondissement spirituel à partir de la peinture aux côtés de Vera Pagava, où les structures géométriques s'amorcent et se fondent avec des textures de plus en plus transparentes. Peinture en glacis... Depuis, après avoir apprivoisé les rapports intimes qui se profilent entre les plans, les lignes et les espaces courbes, Denise Lioté a choisi le chemin d'une liberté d'être et de pensée qui se joue des contraintes physiques, tout en se passionnant pour les questions primordiales de la vie et du cosmos, et se nourrissant d'écrits d'auteurs tels que Kandinsky, Reeves.



Denise Lioté: quête de lumière

Denise Lioté a choisi la voie la plus étroite qui mène à la peinture. Peindre la lumière. Un choix qui ne surprend pas chez cette artiste solitaire. Son
œuvre méditative est ouverte au seul dialogue avec les poètes, s'attachant comme eux à la "poétique de l'espace", chère à Bachelard.
Une peinture exigeante, qui ne se laisse distraire par rien, en garde contre une séduction qui réduirait son geste comme sa pensée à s'égarer dans la complaisance. Depuis plus de soixante ans, Denise Lioté peint les variations provoquées par la lumière changeante à partir d'un tissage imperceptible de couches de couleurs. Une palette réduite, des gris bleus, gris teintés de rouge, d'ocres et de roses, des blancs nuancés dont les jeux de superpositions entraînent des vibrations chromatiques. Celles-ci donnent à leur tour l'illusion de mouvements qui eux-mêmes se déclinent en volumes discrets. Un sentiment d'infinitude colorée parcourt l'ensemble des peintures dont les plus anciennes exposées ici sont datées des années 1980.
Denise Lioté partage cette quête de lumière avec des artistes amis dont elle a souhaité voir les
œuvres cohabiter avec les siennes. Voyage spatial et densité picturale proche de celui de Véra Pagava, Krochka, Eve Gramatzki et le maître, admiré, Léon Zack.Les récents fusains de Denise Lioté procèdent d'une ascèse intérieure.

Lydia Harambourg
Gazette Drouot n° 21 du 29 mai 2015 (pages 258-259)


Bibliographie :

* « Denise Lioté », J.-M. Dunoyer, in Le Monde, mai 1976 (Exposition Galerie Christiane Colin)
* « Paysagiste des Espaces Inconnus », Georges Coppel, Alain Pizzera et Guy Prevan,
Ed. L'Oeil du Griffon, 1991 (Voir ci-contre)
* « Denise Lioté », Georges Coppel, Ed. L'Oeil du Griffon (Complément), 2004
* « Peintures, pastels », Louise Warren, Cat. exposition Galerie Mireille Batut d’Haussy, 2006
* « D. Lioté, la peinture lumière », Galerie Gimpel & Muller, Paris, 2008 (Voir dans le texte Repères biographiques)